Rose des vents le bealle

Le Blutet

Des appellations particulières de type Bleutière, Bluterie, Bluteau ou Blutet dévoilent le lieu d'anciennes petites activités industrielles. Les opérations progressives qui concassent les céréales pour finalement les réduire en fleur de farine nécessitent des traitements intermédiaires pour les décortiquer et les calibrer : le blutage.

Le buletage

BUL

Ce terme, dans sa première élaboration, évoque une forme ronde par la lettre b, le milieu aqueux par la lettre u et l'élévation par la lettre l. La bulle en est un héritage direct qui remonte dans un liquide pour éclater en surface.

Le buletage

Dès les débuts de l'humanité les grains récoltés étaient tout d'abord immergés, leur dilatation éclatait leur enveloppe pour permettre de les en débarrasser après séchage. Bul a donc donné sa racine à l'ancien françois buleter qui est au début du XIIe [12ème] siècle la forme la plus ancienne de celui plus actuel de bluter.
Depuis la préhistoire, les céréales étaient transformées à proximité des lieux de production et de vie. Le simple pilon devenu meule était exploité par le farinier en charge de la mouture.
En parallèle, les tisserands diversifient leurs techniques pour s'adapter aux nombreuses nécessités de leurs communautés (Filets de pêche, habillement, ensachement, etc.) et élaborent les toiles des canevas à partir de fils en fibres naturelles (Jonc, lin, crin, laine, soie, soie de porc en fonction des régions.) dont les trames plus ou moins ajourées permettent alors, outre le filtrage, le calibrage. Les grains débarrassés progressivement de leur enveloppe améliorent le goût d'une farine qui n'avait toujours été que complète. Le métier de tamisier ou talmelier prend alors son essor qui produit tout un panel de farines plus ou moins coûteuses en fonction des moyens mis en œuvre pour leur élaboration.

La production céréalière est une économie majeure et les contrées propres à la culture une manne très règlementée depuis toujours. Mues par les esclaves et les animaux, les meules sont assez rapidement activées par la force bien plus motrice de l'eau lorsqu'elle s'avère disponible. Une terre où passe une rivière constante peut occasionner la mise en œuvre de travaux titanesques pour élever des barrages en vue d'en accélérer le débit. Ces constructions très entretenues ont pour la plupart disparu, elles pouvaient même détourner certains cours d'eau et cumuler la pêcherie. Le silo et le four complètent les infrastructures qu'une révolution technique va progressivement généraliser : le moulin à vent.

Les invasions n'avaient pas pour seule propriété de dévaster, de nombreuses connaissances ont été acquises par leur biais. Introduit assez tardivement sur notre territoire, le moulin à vent semble provenir de la région de Bohême (Tchéquie) que les troupes du croisé d'origine espagnole Gautier de Pexejo envahissent au XIe [11ème] siècle. Les membres de cette armée sont pour la plupart tués tout au long de leur progression en Europe de l'Est, mais les rescapés atteignent toutefois la région des détroits du Bosphore pour suivre leur route vers Jérusalem. Ce sont vraisemblablement les plans qu'ils ont relevés qui sont à l'origine des premiers moulins à vent construits sur notre territoire. Comme une tache d'huile, les constructions se propagent et s'améliorent pour bientôt pulluler et participer à l'enrichissement des petits villages jusque là tributaires de leur environnement défavorable.

Au fil du temps le blutoir tend à se généraliser pour différentes opérations manuelles et/ou mécaniques allant du nettoyage au calibrage.
A l'heure où les substances contre tout nuisible ne sont pas encore élaborées, le blutoir est également l'ustensile incontournable pour purger la farine de ses petits coléoptères avant toute transformation et se rencontre donc aussi bien sur un bateau militaire que dans une boulangerie.
Le petit tamis, devenu cage rotative se voit doté des trames au tissage le plus pointu pour séparer précisément les moutures et améliorer le produit qu'elles vont permettre de réaliser.
Dans un enchaînement croissant d'activités, de méthodes organisationnelles et de recettes de fabrication les bluteries s'intègrent aux mécanismes des moulins et aux silos pour accroître le rendement. Les bluteurs et les meuniers qui se déplaçaient dans les villages deviennent au cours des siècles minotiers, déléguant le transport et l'itinérance aux rouliers (Transporteurs).
Ces anciennes fabriques détruites ne laissent leur nom qu'à très peu de parcelles parce que les fiefs sur lesquelles elles se trouvaient n'ont que rarement transformé leur appellation au cours des siècles. Les bâtiments professionnels construits à proximité des moulins à vent ont disparu avec eux, laissant majoritairement les plus grandes minoteries en place à proximité des moulins à eau.

bluterie

Sources :

- Description et détails des arts du meûnier, du vermicelier et du boulenger ; avec une histoire abrégée de la boulengerie, & un dictionnaire de ces arts - Paul-Jacques MALOUIN
- Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle : composé d'après le dépouillement de tous les plus importants documents manuscrits ou imprimés qui se trouvent dans les grandes bibliothèques de la France et de l'Europe et dans les principales archives départementales, municipales, hospitalières ou privées - Frédéric GODEFROY
- Dictionnaire universel et classique d'histoire et de géographie, comprenant l'histoire proprement dite, la biographie universelle, la mythologie, la géographie ancienne et la géographie moderne. Sur le plan du dictionnaire de Bouillet, d'après les écrivains les plus estimés et les ouvrages les plus accrédités de toutes les époques et de toutes les nations ; et mis en ordre par une société de professeurs.
- Etude sur les étymologies des noms de lieux et des noms de familles dans l'Avranchin par un membre titulaire de la société d'archéologie, littérature, sciences et arts des arrondissements d'Avranches et de Mortain.
- Les merveilles de l'industrie ou description des principales industries modernes - Louis FIGUIER

fief métier