Rose des vents le bealle

Sur l'origine des coudraies

De nombreux lieux ont tiré leur nom du coudrier dont l'exploitation de l'essence, à priori de peu de valeur, s'est avérée toutefois suffisamment importante pour mériter la multitude d'appellations que nous lui trouvons encore sur notre territoire. Si son nom scientifique de corylus correspond plutôt bien à la description d'un noisetier, pourquoi en ce cas en avoir différencié le terme de coudrier ? Selon certains, le genre tirerait son nom du korys (Casque) grec pour imager la cupule des noisettes, que de corylus on aurait fait d'abord colrus, puis coldrus. Sauf que toute cette explication semble un peu tirée par la coiffe...

Le coudre en substance

Si les différentes variétés de corylus sont pour les plus productives des élaborations issues de différents pays, puisque cette espèce est une des plus anciennes, le sauvage coudrier avait depuis les temps les plus reculés d'autres utilités tout aussi intéressantes que celle de produire des noisettes.
En effet, dans l'antiquité ses branches transformées en torches étaient brûlées au cours des noces pour porter bonheur aux nouveaux mariés, mais son bois et ses rejets servaient plus généralement à la fabrication de fourches, de manches d'ustensiles, d'échalas et surtout à la fabrication des palissades de courtils et de claies par les vanniers. Les bûcherons en discernent deux qualités, la blanche plus flexible et la verte. Par la suite l'armement en a fait grand usage. La poule des coudriers (Gelinotte) et certaines truffes apprécient quant à elles son environnement.

Bases phonétiques

Après les celtes, nos ancêtres romains on vu en colurus le bois de coudrier et dans le verbe latin colare : tamiser, filtrer (La claie de coudrier, colurna crates, était notamment utilisée par les jardiniers pour passer la terre et en éliminer les pierres.) et en coryletum… une coudraie. Ces deux différentes et très intéressantes variations tendent donc à dissocier l'arbre du matériau. Certains auteurs ont mis en parrallèle le l et le r dans leur prononciation par différents peuples (Italiens, bourguignons, etc.) ; or, il s'agit peut-être aussi d'une différenciation volontaire qui permet d'en dissocier l'utilité et les origines linguistiques puisque vraisemblablement il serait contreproductif d'utiliser les branches d'un arbre qui pourraient à plus ou moins long terme porter des fruits.

Corylus

Le c dont la graphie et le sens évoquent un sac, le o la rondeur définissent très bien à la base le concept de coque. En fonction des lettres placées en terminaison, les différents peuples ajoutaient à cette base une signification complémentaire afin d'en préciser le contexte qui donnent par exemple avec un r les mots celtiques :

  • Cor (Sommet, terre, rouge, peau, enclos, petit.), cwr (Canal.), cawr (Habitant de caverne.).
    Ces pistes se retrouvent en latin puisque par métonymie nous trouvons :
    • Une position et un volume. Corus est une mesure, caurus un vent d'aval (N-O.) et coram signifie devant.
    • Une couleur. Certaines noisettes et les cornouilles (Cornum) dont on faisait un vin, sont rouges ; la pierre corallis est également de cette couleur ainsi que le cuir, corium.
    • Une forme. Le cornus (Cornouiller) a la même particularité de se développer en drageons que le corylus et donc cor pourrait parfaitement en évoquer les rejets puisque le latin cornu est une corne.

Cor, s'il nous a donné une mutlitude de mots tels que cuir, cor, court, corail ou même cœur, a également contribué à l'élaboration de nombreux mots étrangers tels que korè et kouros (Statues de jeune femme et de jeune homme en Grèce.) et bien évidemment korys.

Colurus

Les osques (Anciens italiens du Sud.) ajoutaient un d à tous les mots finissant par une voyelle et par la suite les anciens latins ont inversé dans leurs prononciations le l et le d, il serait donc difficile d'affirmer que la racine de colurus est col plutôt que cod qui en langue brittonique (Celtique.) donnaient par exemple :

  • Col (Sommet, paille.), cwl (Capuchon.), caul (Bouillie, chou, enceinte.), coul (Ventre.). Dont nous trouvons en latin collinus, colline ou colis, surgeon ou encore coleus, testicule mais aussi caula, bergerie dont les enclos étaient fabriqués de tiges souples de coudriers.
  • Cod (Etui.), cwd (Petit sac.), caud (Bois, chaud, cuvette.), coudd (Cachette.) donnent le latin cauda, queue et caudex, tronc d'arbre.

Il existait également un autre terme pertinent qui trouve ses origines aussi bien chez les anciens celtes que les anciens italiens : cud. En fonction des peuples ses significations allaient du sac à la tête en passant par une portion, une haie, etc. dont la présence du u tend à induire un environnement aqueux. Cette racine a par la suite donné le cudo latin : casque… qui somme toute ne semble pas vraiment dériver du casque grec korys et qui correspondrait plutôt bien à une racine du mot coudrier puisque, je le rappelle nos ancêtres les romains prononçaient le u [u] (ou) et dont on pourrait supposer à la base une sorte de capuche protégeant des intempéries.

L'ancien françois codraie, coldraie ou coldree (XIIe siècle), codreel, coudreel ou coudreiere (XIIIe siècle.) sont les plus anciennes formes trouvées pour les lieux plantés de ces ligneux, dont la coure ou coudrine est le fruit, qui par la suite prennent respectivement au XVIe siècle l'appellation de corynier et de noiselle en passant auparavant par cueuldre (De l'ancien françois cue : queue.), coldre, etc.
Il est à noter que sur la portion située au Sud du territoire français se trouvent également des aveliniers et des aulaniers (Autres appellations du noisetier.) qui doivent pour leur part ce nom à leur environnement (Voyez L'[avεn], lieu-dit.) et plus particulièrement au village d'Avalla dans la province italienne d'Avellino située en territoire Osque. En Provence l'avelinier est également un oiseau casse-noix.

Ces noms nous ont laissé une grande variété de lieux :

  • Le Coudre, Coudrée, la Coudrelle, le Coudreceau, Coudroux, Coudrois, Coudreuse, Coudrecieux, Coudron.
  • Caudry.
  • La Queudre.
  • Aulagny, Aulagnier, Auragne et Auragnou

Et par crase (Contraction.) :

  • Corroy, Coriau, Caurel, la Corrette, les Corets, le Caurier.
  • Coureau, Couret, Courrière.
  • L'Olgnière.

Sources :

Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle - Frédéric GODEFROY
Dictionnaire universel d'agriculture et de jardinage, de fauconnerie, chasse, pêche, cuisine et manège - Michel-Antoine DAVID
Les noms de lieu de la France leur origine, leur signification, leurs transformations - Auguste LONGNON
Lyon horticole - Association horticole lyonnaise
Mémoires de la société académique du Cotentin (Archéologie, belles-lettres, sciences et beaux-arts)
Mémoires sur la langue celtique - Jean-Baptiste BULLET
Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle appliquée aux arts, à l'agriculture, à l'économie rurale et domestique, à la médecine, etc.
Novitius seu dictionarium latino-gallicum, Schreveliana methodo digestum ou Dictionnaire latin-françois, suivant la methode de Schrevelius qui renferme les mots des auteurs latins, sacrés et profanes ; avec les etymologies ; les mots synonymes & leurs opposés. Les termes d'histoire, de geographie, de droit, de medecine, de botanique, de mathematique, & des autres arts, &c. Les inflexions des mots qui sont dans les auteurs latins. Pour donner en peu de temps a toutes sortes de personnes, l'intelligence de la langue latine - Nicolas MAGNIEZ
Origine et formation des nom de lieu - Hippolyte COCHERIS.

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