Rose des vents le bealle

Les Moque

Qu'ils soient Mocbaril, Mociron, Moque Bouteille, Mocpoix, Mocquefeu, Mocac, Mocene, Mocsaury, Moulin Moche, Moque Charette, Moquetonne, Moquetonneau ou Mocpanier, l'imagination a progressivement donné un sens plutôt narquois à certains de ces différents lieux. Petite immersion dans la construction de ce toponyme.

Bases phonétiques

M

La représentation graphique du m évoque la courbe de deux formes élevées proches séparées par une dépression, qui peuvent aussi bien représenter le relief de collines ravinées par un cours d'eau, ou même des flots, les cycles, les hémisphères cérébraux, la convexité tout autant que la concavité.

O

Le o est quant à lui un volume de forme ronde, le tout qui évoque un mouvement, une dimension et une composition (Soleil, ensemble, rotation, balle, œil, etc.). Il apporte une précision à la signification de la première lettre et différents sens peuvent donc émerger de la composition en fonction des contextes et nous laisser par exemple : mobilité, moduler, moulin, molester, etc.

 

Du pavot au moulin

Cette fleur, connue depuis la nuit des temps était autrefois utilisée pour son huile, et pour l'opium. La consommation du narcotique était très répandue pour son effet somnifère dont l'ancien scandinave mok : sommeil léger ou l'ancien breton roz moch : pavot sont les appellations les plus parlantes.
M dans ce contexte aurait donc correspondu à une activité fluctuante, cérébrale et o à la sensation de rotation, d'étourdissement.
Le son [mok], facilement assimilable à [mog], ajoute un complément que le q représente par un outil (Sorte de casse-tête, de marteau.) qui évoque l'assommement ou par une enveloppe s'il s'agit de c. Chacun percevant différemment les effets de l'ivresse, il s'en détache alors une connotation négative ou confortable.
La pâte extraite du pavot était chauffée et inhalée, cette opération a corrompu très tôt la perception que certaines populations en avaient, prenant de ce fait un sens d'immersion, de stupeur, de défaillance, d'évanouissement mais également de fumée (Que l'on retrouve en celtique avec mwcc, mwg qui ont notamment donné l'anglais : smoke, fumer), de son odeur, de ses moyens de perception (Odorat, vue.) et de sa couleur.

En fonction des populations les prononciations [o] et [u] se sont souvent confondues, mais le u connote un milieu aqueux et laisse parfaitement entrevoir que mu correspond dans ce cas aux canaux d'écoulement (Nez, trompe ou museau.) :

Grec Latin Breton Celtique
muklai : nez, trompe d'éléphant mucus : morve moge : babine, groin, museau, mufle mus : lèvres, bouche, museau, bec
  mus : rongeur (Rat, souris, martre zibeline.) moch : cochon  
muchos : cabinet   mog : maison, famille moc, mog : maison, famille

 

Dans toute cette diversité de sens, le grec mokos : moquer est assez intéressant qui dérive dans ce cas du pied de nez. Il conserve le pavot sous la forme mekon à discerner de codia, tête de pavot.

Toutes ces acceptions, et bien d'autres encore, sont donc légitimes dans la formation de la racine mais le moc celtique était une structure construite, un lieu archaïque de fabrication ou de transformation mécanisé :

- Le m correspond dans ce cas à deux bâtiments contigus ou superposés pouvant laisser penser qu'il s'agit d'une fabrique habitée par ses exploitants ou simplement d'un moulin.
- Le o peut être un cylindre (Puits, meule, cheminée, axe, etc.) ; substitué au u, il devient un lieu d'écoulement, de circulation ; complété du u il cumule les deux.
- Le c implique la porosité, le contenant. Si les voiles gonflées par le vent des ailes d'un moulin semblent correspondre, il peut également être question d'un pressoir où se remplissent des sacs, d'un fumoir où se remplissent des tonneaux, tout comme d'un tamisage, etc.
- Le q est un mortier, un pilon et le moq pourrait bien dans ce cas être une forge.

Lorsqu'ils n'ont pas complètement disparu avec la déconstruction des structures, ces lieux ont donc initialement toujours été des pôles productifs que leur situation en altitude a aussi pu faire varier en mont, du fait de leur position, et moulin avec la généralisation du latin molentrina, machine à moudre. Le fait qu'ils soient complétés par un autre terme semble préciser leur utilité :

- Une quantité considérable de contenants, également appelés vaisseaux, étaient utilisés autrefois qui portaient tous des noms différents. Les mesures de poids et de volume variant d'une contrée à l'autre, ces moyens de stockage servaient aussi de référence de calcul, ainsi les sacs (La bouteille, bouteigle ou botalle était également une redevance.), les paniers et les tonneaux (Le baril, barail ou baral était aussi mesure.), etc. pouvaient-ils servir de référence pour déterminer la nature du lieu, de l'acheminement, de l'entreposage et des substances.
- La souris du latin sorex, englobe également la chauve-souris. Il peut s'agir d'une fabrique proche d'un bois où venaient se réfugier les chauve-souris ou proche d'un champ où venaient se réfugier les rongeurs.
- Le feu et le fou, outre les sens que nous leur connaissons, étaient autrefois le nom du hêtre (Cette essence sert de bois de chauffage.) et d'un foyer familial (Feu de bailliage.). Il s'agit donc d'un lieu de production situé à proximité d'une hêtraie ou habité par ses exploitants.
- La poix quant à elle naturelle ou transformée pouvait soit être fabriquée en ces lieux (Résine), soit sourdre naturellement (Bitume) selon l'environnement.
Ces différenciations induisent que d'autres manufactures pouvaient se trouver à proximité.

La plupart des auteurs ont considéré le Moque comme une appellation ironique, mais si les racines sont effectivement communes avec le verbe moquer, il s'élabore sur une perception à connotation négative, un concept qui s'évanouit avec les orthographes des moulins Moche et Moc, mais aussi avec la forme féminine : la moque est une tasse et un terme de marine pour qualifier l'outil percé de forme ronde servant au réglage des cordages.

Sources :

- Dicolatin.com
- Dictionnaire topographique de la France comprenant les noms de lieu anciens et modernes.
- Dictionnaire universel françois et latin, vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux : contenant la signification & la définition des mots de l'une & l'autre langue, avec leur différens usages; les termes propres de chaque état & de chaque profession: la description de toutes les choses naturelles & artificielles; leurs figures, leurs espèces, leurs propriétés, l'explication de tout ce que renferment les sciences & les arts, soit libéraux, soit méchaniques, &c. : avec des remarques d'érudition et de critique, le tout tiré des plus excellens auteurs, des meilleurs lexicographes, etymologistes & glossaires, qui ont paru jusqu'ici en différentes langues ; Dictionarium universale Latino-Gallicum, universali dictionario Gallico-Latino relativum ac plane conciliatum.
- Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de lettre - D'ALAMBERT et DIDEROT
- Glossaire françois faisant suite au Glossarium mediae et infimae latinitatis avec additions de mots anciens extraits des glossaires de LA CURNE DE SAINTE-PALAYE, ROQUEFORT, RAYNOUARD, BURGUY, DIEZ, ETC. et une notice sur DU CANGE - L. FAVRE
- Les origines indo-europeennes, ou Les Aryas primitifs essai de paléontologie linguistique - Adolphe PICTET
- Mémoires sur la langue celtique - Jean-Baptiste BULLET
- Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne, considéré dans les origines grecques ; ou dictionnaire étymologique de la langue grecque, précédé de recherches et de nouvelles vues sur l'origine des grecs et leur langue - M. COURT DE GEBELIN
- Revue historique.

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