Rose des vents le bealle

Les barres de danger

A proximité de villes et villages se rencontrent assez souvent des lieux-dits qui, si leurs appellations se sont beaucoup diversifiées en fonction de nos régions, ont tous la même position dans la structure des anciens territoires. Si de simples champs en ont gardé l'appellation, des écarts s'y sont parfois bien développés avec des particularités riches de sens...

Dun et Bar

Trois principales sortes de fiefs existaient autrefois en France : les fiefs d'honneur, de profit et de danger.

Le fief d'honneur, le plus ancien, ne requérait que des services au seigneur.

Le fief de profit était assujetti aux impôts utiles au seigneur.

Le fief de dangier obligeait l'acquéreur à rendre foi et hommage au seigneur avant d'en prendre possession, que ce soit par héritage ou par achat, sous peine de commise (Confiscation.).

Dun

Ce très ancien terme, dont il semble difficile de déterminer l'origine qui correspondait à toute éminence a évolué en don. Le don signifiait aussi bien montagne que seigneur, d'où sont issus le donjon et le dongier. Si le donjon est une construction élevée sur une éminence, le dongier est une puissance, une seigneurie.

Le terme de dongier, devenu par la suite dangier, s'est transmis avec l'acception particulière de droit féodal, des eaux et des forêts. Le droit de dangier a été mis en place en Normandie, il consistait en un droit de regard du seigneur sur la vente de forêts particulières, après permission un prélèvement du dixième du prix de la vente lui était à ce titre versé par le propriétaire, tout ceci sous peine de confiscation (Commise.). Par la suite ce droit passé au roi a également évolué en droit de tiers et danger (Un tiers et un dixième de la vente des forêts étaient alors prélevés.). Il est inutile de préciser à ce stade combien les espaces forestiers étaient surveillés, qu'évidemment des postes douaniers y étaient disposés et que leurs sergents dangereux en percevaient les droits. D'où la signification actuelle du mot danger.

Bar

Le bar gallois signifie pour l'essentiel mont, élevé, lance, homme et près.

Renforcé d'un r dans barr, il évoque plus particulièrement un pieu dans un contexte dense, un branchage, l'élément d'un ensemble qui pourrait former une sorte de rempart (En gaélique la branche d'arbre barrach devient alors barrachad : hutte - En breton ancien barr entre dans la composition de différents termes qui évoquent ce même aspect : barr glao, pluie ; barr amser, tempête ; barr resin, grappe.).

Complété de on (Éminent, un.) il donne le baron gallois, homme de haut rang au service du roi (Rhy) qui lui donne en fief la baronnie (Fief d'honneur.), territoire composé d'une ville fortifiée entourée au minimum de douze bourgs qui, dans la hiérarchie, vient après le fief de dignité. (N.B. : Par dérision, le baron est également devenu le synonyme de serviteur et de fou (Fou du roi.) par le gaulois puis le latin.)

Baron et barrach sont donc tout naturellement devenus des patronymes (E.g. : Daire BARRACH mac Cathair MÓR, dans la mythologie irlandaise, qui est descendant (Branche, barrach.) du haut roi de l'île et de la capitale mythique Tara.).
En hébreu barrach est également un titre donné à l'homme béni.

Bar qui demeure le terme le plus couramment utilisé a donné naissance à de nombreux autres qui lui sont dérivés : Barné, Baro, Bars, Barun, Beirs, Ber, Biers, Faron, Varon, et tous les diminutifs de type Barony, Barouet, Baroussel, Baruel, Barulet, sans oublier les mots barrière, barrage, etc. En ancien françois, la barre est synonyme de défense, qui a donné son nom aux sièges des justices (Les barres duchables qui correspondent à la justice ducale pourraient notamment être, entre autre, à l'origine du nom de la ville de Bar-le-Duc.).

Une corrélation émerge toutefois dans nos contrées : la position géographique de ces lieux-dits issus de bar. Situés majoritairement sur des coteaux au dessus d'une altitude de 100 mètres, ils avoisinent très souvent d'anciens bois sur d'anciennes marches territoriales (Territoires frontaliers.) à bonne distance de villages et bourgs principaux.

Les barres de péages

Si le plus grand nombre de noms dérivés de bar sont à présent des champs du fait du défrichage agricole, lorsque des bâtiments ont été construits il y a tout lieu d'estimer (Tous les anciens plans n'étant pas numérisés.) que le trafic y était plutôt dense, développant même un commerce de proximité. Quoi qu'il en soit il s'agissait d'anciens péages et de guets.
Quelques exemples plutôt éloquents choisis dans la diversité en démontrent leur qualité :

- Dans la Drôme à La Répara-Auriples sur laquelle se trouvent deux lieux-dits : Baron et Le Péage situés à bonne distance de leurs anciennes paroisses respectives. Ainsi, sur le chemin d'environ une demie lieue (3 km) reliant La Répara au modeste Auriples se trouvent le lieu-dit Baron et le hameau du Péage éloignés de moins d'un quart de lieue (1 km) sur ce qui semble être la lisière d'une forêt.
- Biais (Biers XVIe siècle), écart situé en périphérie du village d'Adriers (Vienne), est quant à lui bâti sur une colline défrichée qui surplombe la frontière du Poitou avec la Marche à mi-chemin entre le prieuré d'Entrefin dont il dépendait et le village.
- Barac, écarts situés sur les communes de Montégut-Arros et d'Estampes semblent dominer les limites des territoires défrichés d'Astarac et de Bigorre en Gascogne.
- Sur les hauteurs de la ville de Château-Thierry (Aisne), se trouvait un quartier de la Barre ainsi nommé du nom de son abbaye, croit-on, puisqu'il s'y trouve également un bois qui semble parfaitement délimiter les territoires laïcs des possessions ecclésiastiques.
- L'abbaye de Ganagobie (Alpes de Haute Provence) a été construite au Xe siècle sur les hauteurs qui dominent la vallée de la Durance au sommet d'une montagne boisée, sur les limites du diocèse de Sisteron (Le prieur de Ganagobie, seigneur haut justicier portait en outre le titre de baron.). Cette montagne tout d'abord possédée par l'évêque de Sisteron est par la suite donnée à l'ordre de Cluny (Bourgogne). En contrebas et à proximité du chemin menant au prieuré, se trouve un lieu-dit Les Barous ; également, à proximité de Cluny, se trouvait une forêt de Barou (Broût sur la commune de Jalogny.) sur les limites des diocèses de Macon et de Chalon.

Certains lieux-dits auraient pu également avoir été d'anciens ermitages, voire des maladreries puisque les Carmes étaient auparavant appelés frères barrés (Leurs habits étaient rayés.), au fil des siècles ces œuvres de bienfaisance ont bien souvent été réunies à d'autres au sein même des villages dans des bâtiments plus importants où se sont développés des hôpitaux.

Sources :

Atlas étymologique et polyglotte des noms propres les plus répandus - Philippe-Louis BOURDONNÉ
De l'usage des fiefs et autres droits seigneuriaux - Denis de Salvaing de Boissieu
Dictionnaire de la langue française - Emile LITTRÉ
Dictionnaire historique de l'ancien langage françois ou Glossaire de la langue françoise - Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye.
Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et arts - Antoine FURETIERE
Dictionnaire universel de la France ancienne et moderne, et de la nouvelle France - Claude-Martin SAUGRAIN.
L'antiquité expliquée et représentée en figures - Dom Bernard de MONTFAUCON

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