Rose des vents le bealle

Le mandre et le moustier

Un des plus anciens mots dont notre langue ait hérité qui n'a clairement aucune origine définie est almanach. Une chose est certaine : pour élaborer un calendrier il fallait une culture et une pratique. Mais quel rapport avec les mandres et les moustiers ?

Base phonétique

Al, symbolise généralement l'ensemble, la distance, le niveau, la quantité dans la majeure partie des populations. Il englobe aussi bien l'étranger, l'ancien, la latitude que le déplacement et peut donc de ce fait induire une augmentation tout aussi bien qu'une diminution, un éloignement aussi bien qu'une proximité.

Man, men, min, etc. sont des termes qui ont en commun une signification propre ou figurée dans toutes les civilisations : l'éminence, l'enrichissement que forme toute chose qui se développe. Que ce soit la forme vivante, la montagne, le cours d'eau, la pensée, la force, la générosité ou son instrument (Main.) tout s'élabore autour de cette caractéristique de croissance dont l'être humain est bien évidemment le centre.
Une autre signification comparative commune aux celtes et aux orientaux est à relever également concernant l'image, la figure, la ressemblance et plus particulièrement la pleine lune. En effet, les peuples européens voyaient dans le satellite un visage qui a notamment laissé en anglais moon, en allemand Mond. (N.B. Les celtes employaient différents termes pour qualifier la lune en fonction de ses quartiers. Le mot que nous employons est issu du lun celtique : eau et beau qui correspond au scintillement et est notamment adopté comme terme général en territoires romains : France, Espagne, Italie et Esclavon/Croatie.)

Ach représente la ligne, la généalogie, le frère.

Almanach et manach

Le survivant le plus âgé, par son expérience et sa longévité est le plus à même depuis les débuts de l'humanité à porter la connaissance. Le sage, aussi éminent qu'un chef de clan, fait évoluer en parallèle la connaissance et les croyances. Les mœurs s'élaborent et des différents protocoles vont naître des communautés et des solitaires pour guider la population.
Sans aucune logique, certains auteurs n'ont pas hésité a priver les druides de leurs moines malgré l'existence du terme manach (Moine.) dans leur langage ; si aucun élément n'a permis physiquement de déceler la présence d'apprentis dans leur culture c'est avant tout parce que leur instruction était orale. Dans son ouvrage Commentaires sur la guerre des Gaules, César remarque très à propos : « Les druides ne vont point à la guerre ; ils ne contribuent pas aux impôts comme le reste des citoyens ; ils sont dispensés du service militaire et exempts de toute espèce de charges. De si grands privilèges, et le goût particulier des jeunes gens, leur amènent beaucoup de disciples ; d'autres y sont envoyés par leurs familles. Là ils apprennent, dit-on, un grand nombre de vers, et passent souvent vingt années dans cet apprentissage. Il est défendu de les écrire, quoiqu'ils se servent des lettres grecques pour la plupart des autres affaires publiques et privées. Je crois voir deux raisons de cet usage : l'une est de ne point livrer au vulgaire les mystères de leur science, l'autre d'empêcher les disciples de se reposer sur l'écriture, et de négliger leur mémoire. Il arrive en effet, presque toujours, que l'on s'applique moins à retenir par cœur ce que l'on peut trouver dans les livres. Leur dogme principal, c'est que les âmes ne périssent pas, et qu'après la mort elles passent d'un corps dans un autre. Cette croyance leur paraît singulièrement propre à exciter le courage, en inspirant le mépris de la mort. Ils traitent aussi du mouvement des astres, de la grandeur de l'univers, de la nature des choses, du pouvoir et de l'influence des dieux immortels, et transmettent ces doctrines à la jeunesse.»
Le terme de disciple a toute son importance puisqu'il fait référence à l'Etrusca disciplina (Enseignement étrusque.) dont les pratiques et connaissances sont le privilège de l'Haruspex (Haruspice.) et de l'Augur (Augure.) mettant de ce fait le Druidus (Druide.) au même niveau hiérarchique.

Les anciens gallois, bretons et italiens voyaient en manach, mynach ou menach un moine.
Il a donné en particulier par la suite le manachus, manacus latin (Cercle méridien qui permet de reconnaître l'accroissement ou la diminution des ombres sur un cadran solaire.).
L'évolution latine tend à laisser penser que le manach aurait d'abord pu correspondre à une sorte de scribe en charge d'astrologie mais il existe également une autre signification de manach commune aux orientaux et aux celtes : le don.
Les astronomes offraient à leurs dignitaires un calendrier pour la nouvelle année : l'almanach.

La religion chrétienne ne s'étant développée en ancienne égypte qu'après la mort de l'illustre dictateur romain, ce n'est qu'après Jésus Christ qu'apparait dans la littérature latine le monachus (Moine.) - Que la plupart feraient dériver du monastère grec monachos (Mynachdy en celtique.), lui-même issu d'un monos grec, qui évoquerait plus un anachorète (Ermite.) qu'un cénobite (Moine.)… - qui nécessite des lieux consacrés particuliers pour étudier et pratiquer ses rites avec ses condisciples comme de toute antiquité.

Les monastères et les mandres

Le monasterium était construit sur les vestiges d'anciens lieux sacrés (Certains ont été déplacés par commodité.) et le mandra, n'a laissé que très peu de traces pour permettre d'en connaître réellement l'origine. Si le premier s'est généralisé avec l'envahisseur romain et la religion chrétienne, le second semble quant à lui n'avoir été introduit sur notre territoire qu'avec les croisades (XIe-XVe siècles). Le mandra en Grèce était une sorte d'ermitage et, chez les orientaux, une cabane de forme circulaire. L'ancien languedocien voit en ce terme celui de mendiant, quand l'ancien françois mandre correspond à une bergerie.
Les bergers, ou pasteurs, ont de tous temps été perçus comme des individus dotés de pouvoirs ésotériques particuliers puisqu'ils pratiquaient l'estime (Science des heures à l'aspect du ciel.) en plus d'être vétérinaires. Ils ont conservé jusque fort tard l'habitude de se déplacer avec un abri typique qui laisse conjecturer que le mandre est un bâtiment rudimentaire itinérant de campement, une tente, une roulotte.
Une toute petite cabane de bois ou une bâtisse monumentale pouvait donc devenir monastère, ce qui a permis une multiplication exponentielle de communautés de tous ordres et de sanctuaires à travers le monde entier puisque les moines ont eu pour mission première d'évangéliser.

Sur notre territoire, lors de la fondation de congrégations religieuses catholiques, les suzerains dévots laïcs et ecclésiastiques dotaient les communautés de parcelles, d'immeubles et de revenus en fonction de leur taille et de leur ordre pour qu'ils assurent leur subsistance. Une poignée de moniales ou de moines se trouvait donc propriétaire d'une parcelle à défricher ou d'une grande ferme seigneuriale en fonction des bienfaiteurs, parfois même morcelée cohabitant de ce fait avec d'autres ordres (Les seigneurs équipaient leurs demeures de lieux de dévotions particuliers, qui pouvaient être desservis pour leur confort et celui de leurs gens et cela contre avantages par un ministre du culte. Un curé pouvait alors très bien partager un bien avec une moniale, un abbé, etc.).

Le mandra plus récent n'a su nous laisser que les différentes villes de Mandre et Mandres, il est à différencier de l'attegia, également cabane de berger mais originaire d'Afrique du Nord, dont les premiers regroupements d'habitations rudimentaires nous laissent les noms de lieux de type Athis, Athée, Athie, Athies et Etiolles.
L'ancienneté de monasterium a évolué de bien des façons en France laissant parfois penser qu'une éminence (Mont.) aurait pu être à l'origine de certaines appellations ce qui n'est pas forcément le cas ; ainsi les Montrol-Senart, Montrollet, Montrieux, Montrueillon, Montreuil, Montereau, Montreux, ont-ils la même origine que les Monestier, Monestrol, Monéteau, Musturole, Monestiès, Monetier, Moustron, Menestreau, Munster, Môtiers, Moustier, Moutier, Mouthier, Moutiers Notre Dame, Le Moustoir, Les Moitiers, La Moustoirie ou Moustero.

Sources :

A travers les mots - Charles ROZAN
Bulletin de censure examen critique et mensuel de tous les produits de la librairie française revue indispensable comme avertissement aux familles contre les erreurs de l'époque.
Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle : composé d'après le dépouillement de tous les plus importants documents manuscrits ou imprimés qui se trouvent dans les grandes bibliothèques de la France et de l'Europe et dans les principales archives départementales, municipales, hospitalières ou privées - Frédéric GODEFROY
Dictionnaire languedocien-français - Maximin D'HOMBRES et Gratien CHARVET
D'où viennent les moines ? - Jean-Martial BESSE
Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de lettres. Mis en ordre et publié par M. Diderot ; & quant à la partie mathématique par M. d' Alembert
Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris - Jean LEBEUF
Mémoires de Jules César traduite par M. ARTAUD avec une notice de J-L LAYA - Jules CESAR
Mémoires sur la langue celtique - Jean-Baptiste BULLET
Recherches sur l'histoire du langage des patois de champagne - Prosper TARBÉ

Page web :

Pierreseche.com

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