Rose des vents le bealle

L'[avεn], lieu-dit.

Pourquoi les lieux appelés Aven, Avon, Aveine, Avoine, Avesne, Avosne, etc., issus d'une souche linguistique commune liée à l'eau, ne sont-ils pas plus nombreux ?

Bases phonétiques

La très forte connotation de la première voyelle a regroupe tous les éléments essentiels à l'être humain dans sa signification première d'abondance, d'augmentation, de croissance, de multitude et par là de possession.
Si par exemple s'ajoute la consonne b (Qui a une forte connotation de rondeur.) à la voyelle copulative a nous obtenons l'ab celtique qui met en avant l'essence d'un élément qui donne une dimension. L'eau, la nourriture, le géniteur sont les images principales qu'évoque ce terme et qui donne par exemple aba : bouche en ancien basque (L'absorption de nourriture fait grossir.). Cette racine a été conservée dans l'aber breton qui s'étend au gré des marées.
Par contre, si le b avait été placé avant le a, ba en aurait modifié le sens. La dimension donne alors un élément de style bab : enfant en celtique (Une femme enceinte enfante.), qui nous donnera par la suite le verbe babiller et que les anglais conservent dans baby.

La notion de dimension induit en plus de la notion de volume, celles de vide, de plein et de changement.

U, V, W

En fonction des peuples et des régions la consonne b est prononcée comme f, p, v ou m.

En celtique af, ap, av, am et ab ont la même signification de rivière et d'eau mais l'av toutefois se caractérise par la présence des sonorités [o], [œ], [u], [w] voire même [y] que prenait l'ancienne lettre v. Cette prononciation a perduré dans notre pays aussi bien en latin qu'en ancien françois.

Cet étrange lettre v que les anciens dictionnaires mêlaient donc au u fait partie de tous les alphabets et se transcrit waw dans son origine phénicienne.
Si la graphie en Y du waw ressemble de toute évidence à la lettre grecque upsilon elle n'en est toutefois pas la principale correspondance puisque les phéniciens n'écrivaient pas les voyelles. Le waw était plutôt transcrit en grec antique par le gamma double ou digamma (Γ+Γ=Ϝ) disparu, lui même transcrit par le ꟻ de l'alphabet étrusque, ancêtres de notre alphabet latin.
De ce fait nos lettres u, v et w se substituaient donc les unes aux autres par une simple prononciation ce qui a permis à certaines populations de placer sans aucun problème le w entre deux consonnes (E.g. cwpas : cercle, rond en gallois et en breton qui a donné le mot compas.).

Les anciens basques appelaient l'eau : u ; les anciens bretons appelaient l'œuf : ui ; les anciens grecs quant à eux voyaient dans l'uo la pluie, etc.

AU, AV, AW

Les premières images liées à l'eau sont bien entendu celles de source et de ressource ; dans son évocation première cette origine donne les bases de l'évolution des mots qui vont par la suite se développer avec leurs particularités propres autour de l'organique et de l'inorganique.

Av est devenu en France eve puis eſve au XIIe siècle avant de prendre son nom : eau.

Les sols frais, terrains bien irrigués (Et non sols humides.), sont privilégiés pour certaines cultures dont l'avoine, plante céréalière utilisée autrefois comme premier ensemencement de la terre, après un défrichage, un brûlis (Sa culture nettoie et enrichit le sol.).
N.B. Les noisetiers, qui apprécient aussi ce biotope, s'y concentraient autrefois en avelots - En Bresse et dans les Dombes, les avénaries sont des champs dont la terre avait été inondée avant les semailles - En Franche Comté, l'aivan était une appellation de l'osier. En ancien allemand au, av et aw qualifiaient un pré.

Comprenant également le lit d'une rivière, le chemin de l'eau nous a donné l'ancien françois avel : chemin fréquenté, aven : puits naturel creusé par l'eau.

De l'exploitation de l'eau émane la multiplication et la croissance qui permettent à une famille de s'agrandir (L'avelet et l'avelete étaient en ancien françois le petit-fils et la petite-fille, ce terme est issu de l'avus latin : aïeul.) et aussi de faire émerger l'opulence qui mène au désir (Aveau en ancien françois.).

L'avenage

Si quelques agglomérations se sont développées à proximité de cours d'eau, voire dans une sorte de presqu'île leur conférant un avantage non négligeable dans toute stratégie militaire, il ne semble pas que cette configuration soit forcément à l'origine de leur appellation. Si l'on considère des villes développées dans des positions similaires, il devrait se trouver un nombre considérable de lieux dont le nom aurait été élaboré sur cette base.

Comme ce n'est pas le cas, et connaissant le caractère mercantile de l'être humain, il s'agit alors vraisemblablement là d'anciens terroirs avec une particularité qui les rend différentiables et qui expliquerait assez justement l'absence de cours d'eau et de propriétaire gallo-romain, notamment pour la commune d'Avesnes le Sec (Nord).

L'aveine était un ancien impôt qui lors de se sa mise en place se payait en avoine.

Essentiellement cultivée par les peuples du nord de l'Europe, l'avoine regroupe une quarantaine de variétés stériles (E.g. Averon.) à très productives, utilisées pour l'alimentation. Cette céréale n'était pas connue dans l'agriculture romaine avant le VIe siècle qui a toujours privilégié l'épeautre et l'orge, comme les gaulois. Sa culture s'est notamment développée pour la fabrication de la bière de Louvain (Belgique), élaborée par les bourgeois brasseurs et les abbayes environnantes.

Les grands défrichements entrepris au cours des XIIe et XIIIe siècles y ont vraisemblablement eu recours et ont alors transformé l'aveine en avenage dont le droit coutumier s'appliquait sur l'exploitation des fiefs dans certaines régions françaises. Cet impôt profitable a bien évidemment évolué différemment au fil du temps dont l'utilisation se scinde :

  1. en redevance généralement appliquée sur les usages de pâture dans les bois, les marais et les prés. Egalement appelé avoyne du bois, avaine ou avone dont les droits concernaient le fumier et la mouture. Il est probable que l'avenage s'appliquait aux parcelles défrichées dont le sol, enrichi dans un premier temps par les déjections des animaux d'élevage, était mis ensuite en culture avec l'avoine pour en valoriser l'exploitation.
  2. en redevance annuelle versée par un serf pour obtenir sa franchise et maintenir un statut de bourgeois du roi dans quelques châtellenies (Orléans, Sens, Bourges, Lorris, Mehun, Issoudun.). La location de la liberté a peu à peu assimilé l'avenage à la bourgeoisie.

Sources :

Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle - Frédéric GODEFROY
Dictionnaire historique de l'ancien langage françois ou glossaire de la langue françoise depuis son origine jusqu'au siècle de Louis XIV - Jean-Baptiste de LA CURNE de Sainte-Palaye.
Economie politique des romains - Adolphe DUREAU de la Malle
Histoire de l'académie royale des inscriptions et belles lettres.
Manuel complet du boulanger, du négociant en grains, du meunier et du constructeur de moulins.
Mémoires sur la langue celtique - Jean-Baptiste BULLET.

fief