Rose des vents le bealle

Le MARTRAY, lieu-dit

Les lieux, tout comme les mots, ont une histoire et celle-ci remonte au christianisme…

Les sépultures.

Dès l'aube de l'humanité, le schéma induit par la nature veut que toute forme de vie donne naissance à une autre dans un cycle perpétuel.
Inhumés ou purifiés par le feu en fonction des cultures, les morts trépassaient vers leur nouvelle vie dans la posture allongée du sommeil, comme en phase de dormance.
Le respect des corps est passé par des lieux dédiés à leur repos et au recueillement et, progressivement, le champ funéraire est devenu nécropole.
Nos mœurs évoluant avec la présence romaine, les aires de sépultures ont conservé leur caractère cultuel à proximité de voies d'accès, en dehors des lieux habités, par salubrité.

Martrois, nécropole et cimetière.

Le christianisme est issu de croyances orientales très anciennes qui nous ont été transmises notamment par le biais d'écrits grecs : les évangiles (Les langues helléniques étaient courantes dans l'antiquité).
Les premiers disciples de Jesus de Nazareth (Pierre, André, Jacques, Jean, Philippe, Barthélémy, Matthieu, Thomas, Thaddée, Simon, Judas et Matthias.) ont interprété les paroles de leur maître et sillonné les pays pour les enseigner au tout venant. Ces premiers monothéistes ont fait l'objet de persécutions lorsqu'ils ont évangélisé les populations alors soumises par l'empire romain qui avait élaboré et institué ses propres codes rituels et philosophiques.
Les chrétiens ont malgré eux orienté le sens que nous connaissons du terme hérétique puisque le grec αιρεσις (airesis) signifiait choix plutôt que condamnation : apôtres et dévôts ont été exécutés et enterrés le long des routes qu'ils empruntaient pour leur choix sectaire considéré déviant.
Mais les romains instituaient une terre sacrée dès qu'un cadavre y était enterré et lorsque la dépouille d'un prédicateur mort pour sa foi était ensevelie, la parcelle devenait martyretum : champ de martyr ou martrois ; que ses ossements aient été conservés, dispersés ou substitués ne faisait aucune différence, un tombeau particulier était érigé sur le lieu : le cœmeterium qui, en ancien françois, a plutôt été conservé avec le mot martoire.

κωμα (koma) était en ancien grec un sommeil profond et κειμαι (keimai) un verbe évoquant la position allongée d'un valeureux (Etre couché, mort, enterré, posé, situé, enfermé dans et par extension être oisif, être proposé ou dépendre) - Ce dernier mot a par ailleurs donné κειμηλιου (keimeliou) : trésor - dont on retrouve les mêmes racines que dans κοιμησις (koimêsis) : sommeil, mort et plus tard dans le quasiment inusité κοιμητηριου (koimeteriou) repris par le latin cœmeterium.
Si de nos jours l'endroit évoque un cimetière, il n'en était donc pas de même dans les débuts du christianisme.
L'idôlatrie supplantée par la religion moderne, l'aire du martrois, lieu de recueillement de l'assemblée (Εκκλησια - Ecclesia : Eglise.) croissante de fidèles, voit alors s'ériger un rempart supplémentaire autour de la sainte sépulture : l'église cimitériale, desservie par un ministre en charge du rituel funéraire dont l'accès était interdit aux pratiquants. Dans sa ferveur chrétienne, l'exclu romain était enterré dans une nécropole collée au plus près de la stèle du cœmeterium qui, les siècles passant, a fini par nous donner la signification que nous lui connaissons au cimetière.

Martro était anciennement le jour où les martyrs étaient commémorés, remplacés par les béats il a été transformé en Toussaint.
Les nouveaux saints ont également donné leurs appellations au différents sites essaimés sur le territoire français : Montmartre, Martroy, Martray, etc.
Les lieux de culte dédiés aux seuls services funéraires ont pris le nom de l'assemblée de fidèles, et élargi leurs pratiques pour devenir à l'instar des églises paroissiales bâties sur d'anciens temples romains des cures ou des monastères où se dispensent offices, sacrements et charités.

Les agglomérations s'étendant avec la croissance démographique, certains martrois se sont trouvés inclus dans les faux bourgs et ont été désaffectés en laissant place vide par respect pour les dépouilles qui y avaient été ensevelies.
Devenus des places publiques, des foires et des marchés s'y sont alors déroulés ainsi que les exécutions… Et les places du Martray sont devenues de ce fait un lieu de supplice dans les villes et les bourgs, donnant par là son appellation au martroi, intrument de torture.
Sur certaines paroisses, lorsque les tombes ont été détruites, les fosses laissées par les excavations ont laissé à l'ancien françois : martraits, dont les trous s'emplissaient d'eau.

Sources :

CNRTL
Dictionnaire de droit canonique et des sciences en connexion avec le droit canon - Pierre CONDIS, André MICHEL
Les Martrays - Léon MAÎTRE
Mélanges de l'école française de Rome - Koimetérion et Coemeterium : tombe, tombe sainte, nécropole - Eric REBILLARD
Romania

Samain sol sépulture