Rose des vents le bealle

DU MESNIL

Devenu pour l'essentiel un nom de lieu regroupant plusieurs habitations allant jusqu'à former un village dans les régions septentrionales de France, le mesnil est en premier lieu issu du bas latin mansionile. Il s'agit d'une humble propriété rurale isolée qu'occupaient quelques colons.

mansio

Les romains ont avant tout conquis parce qu'ils s'organisaient : s'ils privilégiaient certains lieux stratégiques pour se positionner durablement, ils ne fortifiaient pas systématiquement tous les lieux qu'ils occupaient. Les trajets, non seulement balisés, offraient des étapes pour l'approvisionnement et le repos dont les lieux variaient en importance, le voyageur pouvait ainsi trouver l'hospitalité dans une demeure appelée mansio située sur une via (Voie pavée.). Les troupes armées quant à elles campaient dans des bivouacs d'un jour ou deux nommés mansiones.

Positionné à la distance parcourue sur une journée de voyage, ce relais routier a par la suite été également appelé couchée et mansion. Au terme de l'étape quotidienne le voyageur trouvait donc tout le confort en fonction de ses nécessités (Hébergement, entretien, etc.) et de ses moyens, puisque les plus aisés disposaient d'une bâtisse personnelle où agencer leur mobilier. Entre chaque mansio se trouvait le mutatio, poste où se changeaient les montures et permettant une courte pause.

Vers le IIIe siècle, mansio donne naissance à de nouveaux termes dont le bas latin mansionile et mansus ; eux-mêmes évoluant vers mansionilis, mansionillum, mansile, masnile, mesnillum et mansa, mansum, etc.

mansionile versus mansus

Au vu de la précision dont faisaient preuve les romains et des éléments mis au jour par les différents auteurs, la différence entre ces structures est uniquement liée à la dimension puisque toutes deux sont bien souvent complétées par le nom de leur occupant et, Auguste LONGNON précisant que le terme mansus ne trouvant pas d'antériorité à la période franque (Ve-Xe siècles) quand mansionile semble plus lié à l'antiquité tardive (IIIe-VIe siècles), il semble évident que le mansus est un mansionile que ses exploitants ont su développer, d'autant plus que ce même chercheur n'hésite pas à préciser : « mansionile qui, à l'origine, ne devait être qu'un adjectif désignant un terrain à bâtir, et qui, dès le IXe siècle, sinon plus tôt, a pris le sens de maison.» puisque, en latin, -ile transforme une racine en nom ou en adjectif.

mansionile

« Parfois, en Champagne, en Bourgogne et en Franche-Comté, mansionile se présente sous la forme magny, qu'il faut savoir distinguer du nom de lieu gallo-romain formé à l'aide du suffixe -acus sur le gentilice de Magnius. Bien entendu, la question ne se pose pas quand magny est accompagné d'un nom d'homme, comme dans Magny-Lambert (Côte-d'Or).
La forme plurielle de mansionile est représentée par Magneux (Marne, Haute-Marne), les Mesneux (Marne).»

mansus

« A l'époque franque, le mot mansus, qu'on ne trouve dans aucun document antérieur, désignait une sorte de petite ferme ou d'habitation rurale à laquelle était attachée, à perpétuité, une quantité de terre déterminée et, en principe, invariable.
Quoique ce nom se rapporte d'ordinaire à la seule habitation, comme on le voit très nettement dans plusieurs passages du Polyptique d'Irminon, il désignait aussi quelquefois, outre l'habitation, les terres qui en dépendaient ; et même, dans certains cas, c'est aux terres qu'on paraît l'appliquer principalement. Ce mot, d'un emploi encore très fréquent à l'époque carolingienne, a pris, dans les parlers vulgaires de notre pays, deux formes bien différentes qui participent du caractère de chacune des deux langues romanes entres lesquelles la France se partage.

Dans la langue d'oïl, mansus réduit à masus, par cette chute de l'n suivie d'une s dont on connaît tant d'exemples — île = insula ; métier = ministerium ; maison = mansionem ; mesure = mensura ; mois = mensis ; époux = sponsus — est devenu més, écrit plus tard, et notamment au XIVe siècle, meix dans les contrées du nord est.

Dans la langue d'oc, réduit de même, il est devenu mas, mot encore employé à Arles, dans le Languedoc, en Dauphiné, en Forez et en Cerdagne, au sens de maison de campagne, de tènement, de ferme, de métairie, et dans une acception quelque peu différente dans plusieurs régions du Midi. Les noms de lieu formés en tout ou en partie du mot méridional mas peuvent donc ne remonter parfois qu'à une date peu éloignée.

Il n'en est pas de même de son équivalent septentrional més qui, dès l'époque féodale, ne semble guère avoir été en usage que dans les provinces françaises du nord-est ; de sorte qu'il est légitime d'attribuer à une date antérieure à l'an mil la plupart des noms de lieu qui présentent ce nom, soit isolément, comme Mée (Mayenne), le Mée (Eure-et-Loir, Ille-et-Vilaine, Loiret, Manche, Seine-et-Marne, Yonne), les Mées (Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Sarthe, Seine-et-Oise, Vienne), soit combiné avec un nom propre de personne, sous les formes mé, meix, metz, mi, cette dernière résultant d'une altération favorisée par l'éloignement de la syllabe représentant le bas-latin mansus, par rapport à l'accent tonique. On se contentera de citer de ces diverses formes quelques exemples pris au hasard :
Médavi (Orne) = Mansus David ; — Méguillaume (Orne) = Mansus Willelmi ; — Melanfroy (Seine-et-Marne) = Mansus Landefridi ; — Mémillon (Eure-et-Loir) = Mansus Milonis ;
Le Meix-Saint-Époing (Marne) = Mesnil Sancti Hispani ; — Le Meix-Thiercelin (Marne) = Mesnil Tetselini ;
Metz-Robert (Aube) = Mansus Rotberti ;
Mifoucher (Eure-et-Loir) = Mansus Folcharii ; — Migaudry (Eure-et-Loir) = Mansus Walderici ; — Mihardouin (Eure-et-Loir) = Mansus Harduini ; — Mirougrain (Eure-et-Loir), en 1300 Mesograin.

Mansus représente le terme final des noms de lieu suivants, dans lesquels la prononciation mé est figurée de façon plus ou moins fantaisiste : Englebelmer (Somme) = Ingelberti mansus ; — Yzengremer (Somme) = Ysengarii mansus ; — Bertrameix (Meurthe-et-Moselle), Bertrametz (Meuse) = Bertramni mansus ; — Brunehamel (Aisne) , Brunehaut meis en 1265, Brunehautmez en 1290, Brunehaumez en 1340 = Brunehildis mansus

Sur le colonat

Cette condition semble avoir depuis toujours été exploitée par les peuples envahisseurs au même titre que toutes les pratiques barbares, et les romains l'ont faite évoluer par la force des choses dans l'antiquité. En effet, plus d'un siècle avant la décadence de la république, les propriétaires romains disposant des territoires immenses de leurs conquêtes ont négligé la culture des terres italiennes, vivant des ressources peu coûteuses produites par l'esclavagisme de masse, ils poussent les travailleurs agricoles italiens à grossir progressivement la foule indigente plèbeienne (Peuple romain.) désœuvrée avec toutes les conséquences que pareille situation peut engendrer. Les Gracques tentèrent de réformer la politique agraire, dont quelques fondements leur survécurent.

Lorsque les limites de l'empire ont à peu près été définies et que les apports en esclaves se sont taris ont alors émergées des classes moyennes : les adscriptitii, esclaves transplantés qui sont rattachés ainsi que leur descendance à un bout de terre par un affranchissement restreint (Serfs.). Au vu de la contrainte liée aux charges dont devaient s'acquitter physiquement et financièrement ces premiers colons, la méthode en l'état n'a su porter ses fruits.

Ce n'est que plus tard, vers le IIIe siècle, que la classe moyenne des coloni voit sa très lente progression avec les colons partiaires (Métayers). Résultat d'un mélange des conditions d'aubain et de serf, le colonat partiaire n'est pas un fermage dans le sens où l'exploitant colon verse en moyenne la moitié des ressources à son propriétaire qui en assume la moitié des pertes, quand le bailliage est lui soumis à une créance déterminée à l'avance. Cette différence met en exergue une forme d'association entre l'exploitant indépendant et le propriétaire ; cette collaboration induit un potentiel équilibré de valorisation plutôt motivant pour un travailleur dont les seules richesses d'apport sont l'expérience et la connaissance, acquises notamment grâce aux échanges culturels entre esclaves européens, asiatiques et africains. Le colonat s'avérait également une solution de secours pour le propriétaire ayant baillé à ferme lorsque les échéances ne pouvaient plus être assumées par l'occupant du bien.

En France, à partir de 1789, bon nombre de domaines ont été saisis par l'état et les travailleurs pauvres ont eu recours à ce moyen pour assurer la subsistance de leur famille, également après l'abolition de l'esclavage ; les descendants de ces exploitants ont généralement dans un premier temps poursuivi l'activité régie, depuis, par le code civil et le code rural.

Sources :

Des mœurs et des usages des Romains - LE FEVRE de Morsan, revu par François GRANET
Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts, et des métiers - Denis DIDEROT et  Jean LE ROND d'Alembert
Essai sur l'histoire du régime municipal romain dans le nord de la Gaule - Eugène-François-Joseph TAILLIAR
Faculté de droit de Paris. Droit romain : Du colonat - Roger BARBIER de Felcourt
Le grand dictionnaire géographique et critique - Antoine Augustin BRUZEN de La Martinière
Les noms de lieu de la France leur origine, leur signification, leurs transformations - Auguste LONGNON
Du colonat partiaire en droit romain et en droit français : thèse pour le doctorat présentée à la Faculté de droit d'Aix - Henri GOURDEZ
Traité de l'origine des noms et des surnoms - Gilles-André de La Roque de la Lontière

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