Rose des vents le bealle

La CAQUE, de la bouche au vivier.

La caque évoque un tonneau de harengs, mais qu'en est-il de ce nom de lieu dans des localités éloignées de la mer ?

Bases phonétiques

Ce terme d'origine celtique s'apparente tout autant à la prononciation de [kak] que [kok] qui évoque une forme ouverte (c) pouvant contenir et déverser un ensemble (o / a), qui pourraient correspondre par exemple à une bouche, une enveloppe, une entaille, une casserole, etc.
La présence du son [k] en troisième position induit une autre forme ouverte : le contenant ouvert (Corps, ventre, tête, main, etc.) contient un ensemble (Entrailles, dents, nourriture, etc.) qui remplit un autre contenant (Estomac, intestin, joue, etc.) avec une notion de transition, de transformation, de préparation, de déglutition, de digestion.
L'ancien françois coiche (Entaille) ou caquesangue (Dysenterie), la coque, la coche, le cochon, le caca (Coch en ancien breton) mais aussi tout ce qui a un rapport avec la couleur du sang (Coch en ancien celtique, kokkos en ancien grec, coccus en latin, et en gaulois pour la garance.) du coquelicot à la crête de coq sont élaborés sur cette racine.

Les Pays-Bas ont pour leur part conservé kak (Excrément), kaak (Joue, mâchoire, carcan, pâtisserie, rafale de vent, tourbillon en fonction des considérations et extrapolations) - kaag étant un bateau - et kok (Cuisinier). Ce dernier mot est vraisemblablement à l'origine de la mythique Cockaenghen (Cocagne) néerlandaise, terre d'abondance et de débauche.
L'anglais cack (Caca) et cook (Cuisinier) et l'allemand Koch (Cuisinier) et Koth (Crotte) sont tirés de cette même racine.
Le verbe néerlandais kaken s'est quant à lui focalisé sur la façon de vider le hareng, produit phare, mais a également pris les significations de vomir et de caqueter avec la même notion de déchet.

La Caque, lieu-dit.

Une des préparations des harengs consiste à les vider partiellement de leurs entrailles (Caquage.) puis à les stocker dans un petit baril pour salage, le poisson ainsi apprêté a tout naturellement donné son appellation à ce contenant. La caque était au XVe [15ème] siècle le conditionnement des harengs caqués et le caquet le petit navire qui le pêchait, elle se différenciait de la fillette et du carcan en fonction de la préparation du poisson (Saur, en gros, en trufferie, de saffare [Le droit de saffare était perçu sur la fermeture du tonneau. Dans un compte datant de 1563, la ville de Boulogne sur Mer percevait la saffare sur le hareng mais se chargeait en contrepartie de l'entretien du port et de sa baie. Ce terme est une déformation de l'allemand Zapfen : broche, cheville, chevron de bois ou de fer ou de Grundzapfen : bonde.], poudrés ou blancs) pour ensuite laisser sa place au cours du siècle suivant au baril et au demi-quarteron.
La caque est restée dans le langage courant un moyen de stockage et de transport pour tous types de denrées et de matériaux au même titre que le tonneau.

Dans le dessein d'assurer un rendement constant sans apauvrir une terre, outre la rotation des cultures, nos astucieux ancêtres alternaient l'agriculture et la pisciculture.
Les seigneurs aménageaient très souvent les lieux pour élever des poissons et crustacés à l'heure où le terme conservation ne signifiait encore que salage, si la plupart bénéficiaient de la présence naturelle de cours d'eau, certains n'avaient pour s'assurer une ressource frétillante qu'un flanc de colline drainé par la pluie. Face à ces disparités, la pêche faisait donc autrefois l'objet de pratiques très diversifiées en fonction de l'environnement.
Du simple bassin maçonné sur le versant d'un relief au lac naturellement irrigué, les arrangements variaient en dimensions et le plus en vigueur consistait en parcelles contigues.
En effet, au terme de quelques années, l'eau de l'étang était vidée vers le terrain voisin ; les bassins asséchés enrichis par les sédiments lacustres s'avéraient fertiles et étaient donc mis en culture jusqu'à leur prochaine mise en eau. Comme tous les poissons ne pouvaient être consommés et transformés sur place, ils étaient transférés dans des viviers et les lieux-dit Caque sont donc une alternative à l'appellation de Vivier.

Sources :
Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle composé d'après le dépouillement de tous les plus importants document manuscrits ou imprimés qui se trouvent dans les grandes bibliothèques de la France et de l'Europe et dans les principales archives départementales - Frédéric GODEFROY
Histoire d'une commune de France (Boulogne-sur-Mer) au XVIIIe siècle - Edmond MAGNIER
Le théâtre d'agriculture et mesnage des champs, d'Olivier de Serres, seigneur du Pradel ; dans lequel est représenté tout ce qui est requis pour bien dresser, gouverner, enrichir et embellir la maison rustique.
Mémoires sur la langue celtique - Jean-Baptiste BULLET
Mozin's vollständiges Wörterbuch der deutschen und französischen Sprache, nach den neuesten und besten Quellen über Sprache, Künste und Wissenschaften
Nieuw Nederduitsch-Fransch woordenboek - Nouveau dictionnaire Hollandais-Français
Nieuw Nederlandsch-Francsch woordenboek - Nouveau dictionnaire néerlandais-français - Jacob KRAMER Jz
Revue critique d'histoire et de littérature.
Le pays de Cocagne