La BIGORNE, lieu-dit.

Cette forme bien particulière, dessinée soit par un relief, le tracé de voies d'accès ou de cours d'eau, comporte deux saillies qui sont parfois les seuls vestiges de son appellation d'origine.

Bases phonétiques

Bi

Dans l'élaboration de la plupart des mots, bi est un produit (b) de petite dimension (i) dont l'ancien breton a conservé la signification.
Les éléments de taille réduite provenant généralement d'une scission, le b et le d ont donc souvent été assimilés au cours des évolutions du langage ; pour imager la nuance : la fin du cycle végétal induit deux petits pépins avec bi, quand le début du cycle végétal induit deux petits cotylédons avec di.

Corn

La corne, issue du celtique corn, est avant tout considérée comme un contenant par les prononciations [k] ou [g] qui impliquent une certaine mobilité.
Son association avec bi dans son sens duel latin donne bicornis qui s'avère doté de deux protubérances dessinant un croissant dont l'attribut hautement symbolique caractérisait notamment déjà la déesse égyptienne Bat qui donnera par la suite Ioh, vaisseau de la lune, la forme se distinguant de l'entité divine par son appellation.Piioh

Du hiérogramme au phonogramme : les bigornes au cours de l'évolution.

Dans toutes les civilisations, le croissant de lune dans ses multiples positions dont les différentes phases rythment la vie devient l'attribut du temps, de la force, du paradis, etc., le bovidé doté de deux cornes est, au même titre que l'objet rituel, sacré. Les artefacts rudimentaires incurvés permettaient le transit, joints aux sépultures ils permettaient le trajet vers un autre cycle de vie.
L'ancien grec bikos était une urne et une amphore à deux anses, mais le terme se vulgarise aussi avec le latin bicornis qui qualifie autant l'objet fourchu, le croissant de lune que la montagne à deux sommets, voire les deux bras d'un cours d'eau (Virgile appelait le Rhin Bicornis). Selon Herodien, l'empereur Commode utilisait habilement les flèches dont la pointe était incurvée (bicornis lunæ formam) pour couper la tête des oiseaux en plein vol.
C'est au fil du temps que l'incus bicornis (Enclume à deux pointes) nous a laissé le terme de bigorne. L'outil a été modifié en fonction des besoins professionnels pour évoluer sans aucune limite, ainsi la bigorne du savetier diffère de celle du ferblantier et peut tout aussi bien ressembler à une masse qu'à un étau.
Plus récemment, le terme s'est invité dans l'argot par son sens de biscornu : tordu ou avec le verbe bigorner : battre jusqu'à prendre la signification même de l'argot avec rouscailler bigorne (Parler argot).
Le breton moderne bigornen a conservé la caractéristique de sa signification primitive : petit, tout en intégrant celle du latin avec le bigorneau, petit escargot de mer qui évoluera par raillerie pour qualifier les soldats de la marine française qui s'attachent tous deux aux coques des navires.
Ainsi, selon l'environnement, les cantons appelés Bigorne peuvent tout aussi bien avoir une forme de croissant, comporter deux collines... ou concentrer des élevages de bêtes à corne.

Sources :

Dictionnaire grec-français - Joseph PLANCHE
Encyclopédie des symboles.
Etudes de philologie comparée sur l'argot et sur les idiomes analogues parlés en Europe et en Asie - Francisque MICHEL
L'antiquité expliquée et représentée en figures - Bernard DE MONTFAUCON
Lettres sur l'Egypte, où l'on offre le parallele des mœurs anciennes & modernes de ses habitans ; où l'on décrit l'état, le commerce, l'agriculture, le gouvernement, l'ancienne religion du pays, & la descente de S. Louis à Damiette, tirée de Joinville & des Auteurs Arabes, avec des Cartes Géographiques - Claude-Etienne SAVARY
Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Egypte, d'après les monuments - Jean-François CHAMPOLLION, Léon-Jean-Joseph DUBOIS
Paralèlle des langues, françoise, et latine, rapporté au plus prés de leurs propriétés : Assorti des termes des Arts de l'une, & de l'autre langue ; & des moiens adressans le plus aisément à la notice, & vrai usage de la langue Latine - Philibert MONET
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